Si vous pensez échapper au fisc, caché dans la masse de dossiers à analyser, c'est sans compter sur l'aide précieuse de l'IA pour analyser de vastes quantités de données. Au lieu de contrôles aléatoires, les agents du fisc se concentrent désormais sur les cas où il existe des indices de fraude potentielle, rendant le processus de contrôle plus efficace. Grâce à l'IA et au big data, le fisc peut désormais effectuer des contrôles plus ciblés. En 2022, cette approche a permis de récupérer près d'un milliard d'euros d'impôts dus, de repérer plus de 15000 cas de fraude potentielle en 2023 et d'atteindre 56% des contrôles en 2024.
Vous vous pensez peut-être à l'abri du regard de l'administration en étalant vos dépenses sur Instagram ? Sachez que l'administration peut exploiter les informations publiées sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter etc.) ou les sites de vente entre particuliers (Leboncoin, Vinted, Ebay etc.). C'est ce que l'on nomme le Web Scrapping. En 2023, l'analyse des réseaux sociaux a conduit à la révision de 2000 dossiers fiscaux. Les agents sont même autorisés à ouvrir de faux comptes de manière anonyme. Gare à vous si vous acceptez d'être "payé au black" sur un site de vente !
Si vous avez connaissance d'une fraude et
en dénoncez l'auteur, sachez que cela fera
de vous un "aviseur fiscal", un titre plus
respectable que celui de "délateur" ou de
"balance" comme l'aurait dit Michel Audiard.
En poussant un peu, ça sonnerait presque
"lanceur d'alerte" ! Le fait est qu'il n'est plus
besoin d'envoyer une lettre anonyme, façon
corbeau, pour "informer" l'administration
d'une fraude. Mieux : vous serez discrètement récompensé selon les gains issus de
la dénonciation.
L'administration fiscale peut recueillir les
signalements des cas présumés d'évasion
fiscale. Ces derniers sont pris au sérieux
et peuvent conduire à des enquêtes s'ils
sont jugés crédibles. La Direction nationale
d'enquêtes fiscales (DNEF) assure la confidentialité du nom des aviseurs, mais aussi
du montant et des modalités de versement
de l'indemnité qu'ils reçoivent pour leur
information.
Lancé en 2017, ce dispositif comptabilisait plus de 10 000 signalements en 2023,
aboutissant à des redressements fiscaux de
plus de 400 millions d'euros. Tout le monde
se souvient de l'affaire Cahuzac, ministre
des Finances en exercice, dénoncé par son
ex-femme.
Les autorités fiscales ont désormais un accès élargi aux données provenant de tiers, comme les banques, les processeurs de paiement et les plateformes en ligne. Cet accès leur permet de surveiller de plus près les transactions financières et de comparer les revenus déclarés avec l'activité financière réelle. En 2022, cet outil a permis de découvrir plus de 200 millions d'euros d'actifs non déclarés.
Les dossiers en lien avec les cryptos et les plateformes crypto sont en forte hausse.
Ne comptez pas cacher votre piscine à l'administration fiscale. L'expérimentation nommée "foncier innovant" lancée en 2021 dans neuf départements (Alpes-Maritimes, Var, Bouches-du-Rhône, Ardèche, Rhône, HauteSavoie, Morbihan, Maine-et-Loire, Vendée) a depuis été généralisée. Grâce à l'IA et aux prises de vues aériennes, le fisc a identifié selon la DGFiP elle-même, près de 20000 piscines clandestines, débouchant sur plus de dix millions d'euros de droits et pénalités mis en recouvrement auprès des contribuables en 2022. En 2023, des emails ont été adressés à plus de 120 000 propriétaires de piscines clandestines, pour les inviter à régulariser leur situation. L'administration risque d'être moins clémente à l'avenir !
La France a renforcé sa collaboration avec les autorités fiscales internationales, permettant l'échange d'informations sur les contribuables possédant des actifs ou des revenus à l'étranger. Par exemple, en 2023, grâce à l'échange d'informations avec la Suisse, plus de 500 comptes non déclarés ont été découverts, représentant plus de 800 millions d'euros.
Avec la popularité croissante des cryptomonnaies, le fisc a développé des outils
pour tracer et surveiller les transactions en
cryptomonnaies. Cela les aide à détecter les
revenus non déclarés ou les actifs détenus
en devises numériques. Par exemple, en
2023, plus de 150 millions d'euros de revenus non déclarés en cryptomonnaies ont été
découverts.
Tracfin -acronyme de Traitement du renseignement et action contre les circuits
financiers clandestins-, un service de renseignement placé sous l'autorité du ministère
de l'Économie et des Finances, a d'ailleurs
indiqué que les dossiers en lien avec les
cryptos et les plateformes crypto sont en
forte hausse. Les déclarations de soupçon
sont dans la plupart du temps transmises aux
services de Bercy par les banques (environ
80%).
Deux grandes tendances se dessinent. D'une
part la technologie qui change la donne, avec
un meilleur contrôle et un gain de temps pour
les agents du fisc.
D'autre part l'acceptabilité sociale qui rend
possible ce qui était mal perçu il y encore peu
de temps. Ainsi, dans une période tendue,
la dénonciation de tous les fraudeurs est
ressentie comme une participation à plus de
justice fiscale. Après tout, si moi, en tant que
"bon citoyen", je paye mes impôts, pourquoi
mon voisin ne les paierait pas également ?
La médiatisation de l'évasion fiscale n'est
pas étrangère à ce climat. De là à accepter
que des agents puissent aller jusqu'à créer
la tentation, il n'y a qu'un pas.
Il y a peu de temps encore, vous pouviez
espérer passer sous les radars de l'administration. Aujourd'hui, avec ces nouveautés,
vous risquez d'être appâté, traqué, dénoncé
... plombé.
Désormais vous aurez à lutter contre l'IA, les
drones, la surveillance par Internet, la coopération des États, les aviseurs fiscaux...
Vous aurez fort à faire. Un bon conseil pour
votre tranquillité : ne franchissez pas la
ligne rouge. Ce qui ne vous empêche pas de
profiter des aubaines fiscales qui vous sont
proposées par le législateur lui-même.