Quand l'aventure peut mal tourner
Madame Nouet a connu cette
année une mésaventure poignante au moment de céder
son cabinet infirmier. Ce qu'elle a vécu,
elle et son associée, n'est pas exceptionnel. La FNI, avec une vue panoramique sur
la profession, peut en attester. Certains
Idel peuvent se retrouver piégés en raison
d'une confusion courante entre "gestion
en entreprise individuelle" et "gestion en
société". Élisabeth Nouet a souhaité partager
son expérience avec ses collègues pour les
sensibiliser aux risques d'une telle opération.
Voici son récit (lire ci-dessous).
Le récit d'Élisabeth Nouet
J'ai obtenu mon diplôme en 1979 en même
temps qu'une amie et collègue avec qui
je vais travailler des années durant.
Pour commencer, nous nous sommes
installées chacune en libéral, puis,
en 1988, nous avons décidé de
nous associer. Nous avons apporté
chacune notre patientèle à la SCP
que nous avons créée. Après 30 ans
de carrière, nous décidons de passer la
main à deux jeunes consoeurs. L'acte de vente
signé, je programme pour ma part une belle randonnée avec mon
conjoint, loin d'imaginer ce qui va suivre.
La vente est effective début janvier. Nous avons touché et encaissé
nos chèques pour un total de 40000 €. Bien entendu, nous
avons communiqué à notre comptable tous les éléments afin
qu'il établisse le bilan au 31 décembre, après avoir bien pris soin
d'encaisser et payer ce qui devait l'être. À jour, nous nous sentons
sereines. Nous allons donc laisser à nos deux jeunes consoeurs
une situation impeccable. Il ne resterait plus qu'un petit chèque
à recevoir pour bénéficier de l'excèdent en banque.
Fin février, notre comptable nous informe que nous laissons une
dette de 40000 € environ à nos collègues. Nous n'en revenons
pas. Il s'agirait de nos deux comptes courants débiteurs de
cette somme. Je sens pour ma part le sol s'effondrer sous mes
pieds ! Nous nous ressaisissons. Après tout, chaque année, nous
partageons les résultats de notre travail, précisément nous n'avons
ni crédit ni dettes. Chaque année, nous examinons notre 2035
avec notre comptable qui commente les évolutions d'une année
sur l'autre. Rien n'explique une telle dette !
Nous multiplions les entrevues et discussions entre février et juin
avec notre comptable qui ne parvient pas pendant cinq mois
à trouver une explication. À court d'arguments, l'expert-comptable
nous propose de rédiger un acte d' "abandon de dette" pour un
coût de prestation de 280 € ! Je n'avais jamais entendu parler d'une
telle possibilité mais cela signifiait que nos nouvelles collègues
hériteraient d'une dette de 40000 € pour débuter leur activité.
Nous qui pensions leur permettre de faire une belle affaire en
leur vendant nos parts évaluées au prix de 1988. Qu'allaient-elles
penser de nous ? Non, il n'était pas question d'accepter de leur
laisser 40000 € de dettes en héritage !
Ne voyant plus de solutions, je me rapproche de la FNI qui
demande à M. Luc Leesco, expert-comptable FNI Compta, de
trouver une explication à cette situation kafkaïenne. Je prends
rapidement contact et lui fournis les pièces pour analyse. Après
investigation, il constate une erreur comptable. Ainsi, au lieu de
devoir "restituer" 40000 €, nous avons reçu le "petit" chèque
que nous attendions.
Je remercie à l'occasion la FNI qui m'a tendu une main secourable
quand d'autres étaient suspicieux au sujet de ma bonne foi. Notre
mésaventure se termine bien, mais je garde le goût amer d'une
déconvenue qu'on aurait dû éviter. À un moment, je pensais que
j'allais à l'échafaud. L'un des pires moments de ma carrière, alors
que tout se présentait si bien.
Le point de vue de l'expert
Je reçois début juillet le coup de fil d'un
membre de la FNI qui m'explique la situation
désespérée dans laquelle se trouve une
adhérente à la suite d'une cession de parts
sociales d'une SCP.
Une petite enquête
Je prends contact avec l'infirmière,
Madame Nouet, que je sens au bord du
gouffre. Je comprends très vite que le dossier ne sera pas simple à démêler et procède
donc méthodiquement. Je commence
par demander les éléments pour instruire
le dossier. Je me doute qu'il faut analyser
en profondeur le fameux "compte courant"
figurant dans le grand livre comptable.
Comme annoncé, je découvre que le solde
est largement débiteur. Au vu des chiffres
examinés, j'en conclus que le problème ne
pouvait provenir que d'exercices antérieurs.
La découverte du "pot au rose"
Je reprends contact et demande les statuts, les assemblées générales, les bilans
précédents et demande à Mme Nouet de
me commenter l'historique de la SCP.
C'est ainsi que nous découvrons le "pot aux
roses" : en 1988, Élisabeth Nouet et sa collègue avaient apporté
leur patientèle afin de
constituer le capital
de la SCP. Cette
valeur, au lieu d'être
portée à l'actif du
bilan dans le poste
" Immobilisation
incorporelle", avait
été débitée au compte
courant des deux associées. C'est cette anomalie
qui ressortait 32 ans après.
Les bonnes pratiques
Le comptable, comme les associées de
la SCP, habitués à l'exercice individuel,
n'ont pas ressenti le besoin d'établir un
bilan annuel précis ni de l'examiner, ce qui,
n'en doutons pas, aurait alerté immédiatement sur l'erreur. Plus regrettable encore,
les assemblées n'ont pas fait état de la situation des comptes courants depuis 1988 !
Réunir les assemblées est une obligation
prévue par les statuts, c'est donc obligatoire.
Faut-il attendre un pépin, une dispute ou
une contestation, comme ici 30 ans ?
Un cas qui n'est pas isolé
Cette mésaventure interpelle, mais c'est loin
d'être un cas isolé. Récemment, un autre
cas m'a été soumis. Pendant des années,
les assemblées se sont tenues de manière
informelle au prétexte d'une unanimité
supposée. Arrive le jour où une associée
souhaite céder ses parts. N'ayant pas perçu
toute sa part de résultat, l'associée sur
le départ espère toucher un petit chèque de
la part de la SCP pour solder les comptes.
Ce montant viendrait s'ajouter au prix de
cession de ses parts qui lui sera réglé par
l'acheteur. C'est l'occasion d'examiner les
"comptes courants" de chacune des associées. Il apparaît que deux d'entre elles sont
créditrices et les deux autres doivent de
l'argent à la SCP. C'est une découverte pour
chacune d'entre elles. Ici, il s'agit de faibles
sommes, mais suffisantes pour alourdir
l'atmosphère.
La connaissance du métier
À la décharge des Idel, certains comptables
ne sont pas à l'aise avec les spécificités de
nos métiers. Il n'est pas rare qu'ils recommandent à leurs clients de rechercher une
réponse auprès de la FNI.
Par exemple : « Nous sommes une SCP
de 6 infirmiers. Nous avons tous
acheté des parts et à ce jour,
je souhaiterais connaître
comment l'on détermine la valeur
des parts d'une
société d'infirmière.
J'ai demandé au
comptable qui me
renvoie vers la FNI. ».
Une confusion risquée
On constate une confusion
courante entre le professionnel et
la SCP, même dans l'esprit de certains
comptables. En effet, la SCP est une personne morale distincte du professionnel
libéral. Un prochain article examinera plus
en détail cette problématique. Une fois de
plus, ces mésaventures mettent en lumière
le fait que votre organisation professionnelle,
la FNI, est la mieux placée pour comprendre
et traiter vos problèmes spécifiques.
À la décharge
des Idel, certains
comptables ne sont pas
à l'aise avec les spécificités
de nos métiers.
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