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Notions comptables et fiscales

Pour comprendre l'économie de cette mesure inédite qui vise à faciliter les installations, commençons par préciser quelques notions comptables et fiscales relatives aux dépenses d'exploitation, aux investissements et amortissements, aux investissements non amortissables, ainsi qu'au fonds libéral.

Dépenses d'exploitation

Ce sont les dépenses effectuées dans l'intérêt de l'entreprise : loyer, électricité, salaires, impôts commerciaux, assurances...
Elles sont déductibles du bénéfice imposable.


Dépenses d'investissements et amortissements

Certaines dépenses porteront leurs fruits pendant plusieurs années : achats d'un local, d'un scanner, d'ordinateur. La déduction ne s'effectue alors pas au moment de l'achat mais au cours de son cycle de vie : il s'agit là du concept d'amortissement.
Prenons l'exemple d'un ordinateur coûtant 3 000 €, d'une durée de vie annoncée de trois ans. Tous les ans, on déduira du résultat imposable 1 000 € au titre de l'amortissement, comme si l'achat de l'ordinateur se faisait en trois fois.


Investissements non amortissables

À l'inverse, certains investissements prennent de la valeur au cours du temps et ne sont donc pas amortissables. C'est le cas des fonds commerciaux et libéraux pour lesquels l'amortissement est interdit par le code général des impôts (CGI, article 39, deuxième alinéa).


Fonds libéral

Vous êtes installé depuis des années. Votre patientèle vous apprécie, vous connaît (habitudes) tout comme votre cabinet (locaux, numéro de téléphone...). Votre activité est régulière ; vous avez organisé vos tournées et la continuité des soins. Cet ensemble a une grande valeur pour vos patients qui savent sur qui compter. Celle-ci est tout aussi grande pour un successeur qui n'aura au début qu'à suivre votre pratique et votre organisation pour obtenir un revenu semblable au vôtre (sous déduction du remboursement de l'emprunt). Cela est sécurisant et confortable ; l'acquéreur a immédiatement le pied à l'étrier.


Dérogation temporaire

Même si un fonds de commerce n'est pas amortissable, la loi de finances 2022 autorise temporairement les entreprises à le déduire à condition d'avoir été acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025 (BOI-BICAMT- 20 §360). Cette mesure a ensuite été étendue au fonds libéral et donc aux droits de présentation de patientèle (BOI-BNC-50).


Avantage fiscal inédit

Pour en illustrer l'importance, prenons un exemple. Pour s'installer, un professionnel rachète un cabinet pour 36 000 € au moyen d'un emprunt s'étalant sur dix ans. Celui-ci réalise un chiffre d'honoraires de 7 500 € par mois en moyenne.
Si l'amortissement fiscal est effectué, la charge nette du remboursement passe de 300 à 120 €/mois : on divise la charge par 2,5 ! Au total, sur dix ans, cela représente un bonus de 21 600 € : c'est un sérieux coup de pouce à l'installation ! (voir ci-dessous)


Charge de remboursement d'empruntSANS amortissementAVEC amortissement
Mensualité300 e/mois300 e/mois
Économie d'impôt sur le revenu (ex. d'une tranche marginale de 30 %)-0 e/mois-90 e/mois
Économie de charges sociales (de 20 à 40 % selon votre régime)-0 e/mois-90 e/mois
Charge nette300 e/mois120 e/mois


Conditions à remplir

Pour bénéficier de la mesure, il faut remplir les conditions prévues par la loi. À savoir :

  • la date de l'achat. Cette mesure ne peut s'appliquer qu'aux fonds acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025.
  • le statut de l'acheteur, soit être une petite entreprise, c'est-à-dire ne pas dépasser deux des trois seuils suivants :
    → 12 M€ de chiffre d'affaires ;
    → 6 M€ du total de son bilan ;
    → 50 salariés.
En outre, l'acheteur doit être soumis à la déclaration contrôlée (exclusion des micro-entrepreneurs qui bénéficient d'un forfait de frais de 34 %). À noter encore : la patientèle sera inscrite au registre des immobilisations. Et un amortissement linéaire forfaitaire sur dix ans sera calculé et enregistré en comptabilité.


Mesure anti abus

Afin d'éviter des abus de la part de propriétaires de fonds qui seraient tentés de procéder à des cessions pour bénéficier de l'amortissement, la loi de finances rectificative pour 2022 précise que ce dispositif ne peut pas s'appliquer aux fonds acquis auprès d'une entreprise liée ou auprès d'une entreprise sous le contrôle de la même personne physique (art. 7).


Différences entre modes d'exercice

Dans certains cas, votre vendeur n'est pas directement propriétaire de sa patientèle car il est l'associé d'une société d'exercice libéral (SCP, Selarl, Selas ...). La société est alors propriétaire du fonds : l'associé ne peut vendre que ses parts et non un fonds qui ne lui appartient pas.
Dans l'état actuel de la législation, si vous achetez des parts sociales, vous ne pourrez pas profiter de l'avantage fiscal dérogatoire consistant à déduire de votre quote-part des résultats le prix des parts achetées.


Affaire à suivre

Le professionnel qui s'installe n'a pas toujours le choix entre l'achat de parts sociales et celui d'un fonds libéral. Il ne peut donc pas toujours bénéficier de la mesure dérogatoire. Cela est dommage d'autant que les organisations professionnelles comme les organismes de tutelle souhaitent structurer les professions en des coopérations et regroupements, comme les sociétés d'exercice de l'exemple précédent, pour améliorer l'offre de soins... Votre syndicat envisage de faire soulever cette question au Parlement pour permettre l'amortissement des parts.


Qu'en est-il en fin d'activité ?

En bénéficiant de l'avantage fiscal offert par la mesure dérogatoire, votre fonds sera amorti c'est-à-dire que sa valeur nette comptable sera nulle alors que sa valeur de revente sera proche voire supérieure au prix d'origine. Vous dégagerez ainsi une plus-value. Sa taxation sera alors soumise aux règles en vigueur. En attendant, ce qui est pris n'est plus à prendre !


Pour finir

Cette mesure dérogatoire est dans le prolongement d'une suite de mesures visant à libérer l'économie française : en permettant une installation plus facile, elle vise à la dynamiser. C'est donc un rêve qui devient réalité ! C'est bon pour l'activité, pour l'emploi et pour la satisfaction des consommateurs que nous sommes tous.


Questions/réponses

1/J'ai acheté ma patientèle en 2022 avant la promulgation de la loi. Puis-je quand même profiter de la mesure ?
Oui, la mesure s'applique à tous les achats de patientèle depuis le 1er janvier 2022. Vous pouvez demander à en profiter à condition de remplir les autres conditions.

2/J'étais remplaçante ; j'ai racheté la patientèle à ma titulaire. Puis-je déduire l'achat de fonds de mes résultats ?
Oui, 1/10e par an sur dix ans (voir explications comptables concernant les amortissements).

3/J'exerce depuis quatre ans. Puis-je bénéficier de la mesure en constituant une SEL qui me rachèterait ma patientèle ?
Non, le bouclier anti abus vous empêche d'utiliser la mesure dans un tel montage.

4/Avec une collègue, nous envisageons de constituer une SCP qui rachèterait la patientèle de nos titulaires qui partent en retraite. Est-elle déductible ?
Oui, la SCP pourra bénéficier de cette mesure, à la condition que les titulaires ne soient ni l'un ni l'autre associés dans votre SCP (mesure anti abus).


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