Vous avez constitué une belle patientèle d'une valeur certaine que vous pourrez céder lors de votre départ en retraite. Mais c'est maintenant que vous avez besoin personnellement de vos fonds sans perdre l'usage de votre outil de travail. Et si vous la vendiez à une société qui vous appartient ? On n'est jamais mieux servi que par soi-même, non ? Vos collègues qui travaillent avec vous ont peut-être les mêmes motivations, alors pourquoi ne pas constituer en commun une société qui rachèterait la patientèle de chacun grâce à un crédit bancaire ? Vous encaissez la plus-value avant l'âge de la retraite mais vous serez imposés. À moins que vous ne préfériez procéder à un apport pour éviter la taxation.
Rembourser un emprunt, c'est supporter des
intérêts déductibles des revenus et rembourser du capital qui ne l'est pas. En BNC, les
revenus sont assujettis à l'impôt sur le revenu
(de 0% à 45%) et aux charges sociales (de
20 à 30%). Dans ces conditions, il faut donc
gagner beaucoup pour pouvoir rembourser un
peu de capital. En revanche, dans la Selarl,
société soumise à l'impôt sur les sociétés
(IS), tout comme dans l'entreprise individuelle (EI) à l'IS, le bénéfice n'est pas soumis
aux charges sociales mais à l'impôt au taux
réduit de 15% jusqu'à 42 500 € puis à 25%.
Si votre remboursement en capital est dans
cet ordre de grandeur, vous remboursez vos
dettes en douceur.
Il faut préciser que le bénéfice assujetti à l'IS
s'entend déduction faite des rémunérations
et charges sociales des associés. Quant à ces
derniers, ils ne paient que sur ce qu'ils perçoivent pour leurs besoins sans tenir compte
de l'emprunt. Un prévisionnel et des calculs
précis doivent être effectués pour vérifier le
bien-fondé des options prises selon la situation
personnelle de chacun car la mise en société est
coûteuse et revenir en arrière, ruineux.
En plus de l'intérêt financier immédiat, la Selarl procure certains autres avantages :
Chaque associé pourra lui vendre quelques unes de ses parts sociales. Au début de la société d'exercice libéral (SEL), les parts ne valent pas grand-chose puisqu'en face des patientèles acquises il y a la dette vis-à-vis de la banque. Dans les premières années, l'intégration d'un nouvel arrivant est très aisée puisqu'il aura peu à débourser pour les parts sociales et qu'il est sûr de recevoir une rémunération dès son intégration.
La Selarl achète la nouvelle patientèle, la finance par emprunt et vous voilà à pied d'égalité avec le nouvel arrivant. Le volume d'activité augmentant, vous mutualisez mieux vos frais fixes.
Progressivement, la Selarl a remboursé ses dettes sans que vous vous en rendiez compte (pas de charges sociales, pas d'impôt sur le revenu). À terme, vous êtes à nouveau propriétaire de votre patientèle par l'intermédiaire de vos parts dans la Selarl. Le jour de votre retraite vous pourrez vendre vos parts, leur prix sera fixé en fonction de la situation nette (valeur des actifs moins les dettes). La plus-value de cession des parts bénéficiera d'une exonération totale ou partielle d'impôt mais pas toujours des prélèvements sociaux (17,2%).
Cette description brosse un portrait financier
et fiscal flatteur de la Selarl : vous encaissez
le prix de votre patientèle bien avant de partir
en retraite, vous gardez votre outil de travail
et au moment de cesser votre activité vous
pouvez vendre vos parts. Tout cela, assez
économiquement grâce à la Selarl qui est
assujettie à l'IS.
Mais toute médaille a son revers. Vous allez
vous retrouver dans une vraie société où
tout est mis en commun. Il vous faudra
donc en supporter toutes les contraintes :
formalisme, fiscalité, suivi comptable, suivi
relationnel avec vos associés. Avant toute
chose, établissez un prévisionnel basé sur
vos données pour bien vérifier que pour vous
le jeu en vaut la chandelle.
Depuis le 1er janvier 2024, les rémunérations versées aux associés de SEL pour les fonctions techniques en l'absence de lien de subordination sont imposées dans la catégorie des BNC (2035 ou micro-BNC). Auparavant, celles-ci l'étaient dans la catégorie des traitements et salaires bénéficiant de l'abattement de 10% pour frais professionnels.
Depuis la création du statut unique de
l'EI, la Selarl ne doit pas être retenue pour
l'usage d'un seul Idel, mais pour ce qu'elle
fait le mieux : l'exercice en commun avec
d'autres Idel. Il faut remarquer que la rémunération du chef d'entreprise d'une EI ayant
opté pour l'IS continue d'être imposée dans
la catégorie des traitements et salaires et
bénéficie donc de l'abattement de 10% pour
frais professionnels (1).
À noter que la Selarl n'est pas le seul statut
permettant d'exercer en commun ni de bénéficier de l'IS. Avant d'opter pour la création
d'une Selarl, il serait avisé d'explorer les
alternatives que sont l'EI, la société civile
professionnelle (SCP), la SCM, la société
d'exercice libéral par actions simplifiées
(Selas) ou simplement un contrat de partage
de frais par exemple.
L'étude de votre projet reste la meilleure
option. La FNI peut vous fournir un tel
accompagnement par l'intermédiaire de ses
services juridique et comptable.
SELARL | EI (option IS) | EI (IR) | |
---|---|---|---|
Option IRPP | |||
Option IS | |||
Protection du patrimoine | |||
Charges administratives | |||
Coopération entre professionnels | |||
Plus-value de cession | |||
Amortissement acquisition de patientèle | |||
Amortissement acquisition de parts sociales | |||
Investissements lourds |
Si vous comptez créer une Selarl à votre seul usage, dans l'esprit d'une société unipersonnelle, oubliez tout de suite votre projet. L'EI est passée par là depuis quelques années et mériterait toute votre attention. Si vous avez en revanche le projet de vous associer avec d'autres Idel, vous avez tout intérêt à explorer ce statut. La jurisprudence de 2024 a certes raboté les avantages fiscaux des dirigeants dont les revenus sont désormais soumis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des BNC mais elle n'a pas atténué la puissance de ce formidable outil financier qu'est la Selarl pour qui sait en tirer parti.